La cuisine Cape Malay : un délicieux parfum d’Asie !

Par Sandrine Bavard

La cuisine Cape Malay (cuisine des Malais du Cap) est une cuisine fusion avant l’heure. Dès le XVIIe siècle, les esclaves indonésiens qui débarquent au Cap vont adapter les recettes européennes et faire avec les légumes sur place. Résultat : une cuisine métissée, relevée, parfumée d’épices, adoptée aujourd’hui par de nombreux foyers sud-africains.

Ses origines remontent à la naissance même de l’Afrique du Sud, quand la compagnie hollandaise des Indes orientales envoie une flotte au Cap en 1652. Non pas pour conquérir le territoire, mais pour créer une station de ravitaillement à la pointe de l’Afrique australe.
« Les équipages des bateaux qui assurent son monopole du commerce des épices sont en effet décimés par le scorbut, un fléau plus meurtrier encore que les attaques des pirates, des corsaires et de tous les bateaux des pays concurrents », écrit Dominique Lapierre dans « Un arc-en-ciel dans la nuit », récit historique sur l’Afrique du Sud.
Et c’est en mangeant de la viande, des légumes et des fruits frais que l’on prévient cette maladie mortelle, due à une carence de vitamine C.

Une ferme au Cap

Cette mission agricole est confiée à Jan Van Riebeeck qui débarque le 6 avril 1652 dans la baie de Table Mountain (la montagne de la Table) dans ce qui allait devenir la ville du Cap.
« Il embarquera des jardiniers, des pelles, des pioches, des graines de salades, des semences de riz et de blé, et des coutelas de boucher pour découper les moutons et les chèvres élevés sur place », poursuit Dominique Lapierre.
L’exploitation grandit et a besoin de travailleurs, ce qui se traduit à l’époque par la déportation d’esclaves, que la compagnie hollandaise ramène d’Indonésie où elle a son siège.
Ce groupe ethnique, désigné sous le nom de Malais du Cap (Cape Malay en anglais), même si le terme est abusif dans la mesure où il n’y a pas que des Malaisiens déportés au Cap, apporte avec lui sa culture, sa tradition, sa foi et -ce qui nous intéresse ici- sa cuisine.

Un petit goût d’Asie

La cuisine Cape Malay a définitivement un petit goût d’Asie : curry, samosa, biryani, riz safrané, etc. Sur la route des épices entre l’Asie et l’Europe, il n’y avait qu’à se servir : ail, gingembre, piment, cumin, coriandre, cardamome, badiane, safran, clou de girofle, graines de moutarde, le curcuma et bien évidemment le curry !
Les exilés asiatiques vont conserver avec vigueur leurs traditions, de sorte qu’il est naturel aujourd’hui en Afrique du Sud de manger un roti, dérivé du roti canai, spécialité de Malaisie, qui ressemble à une sorte de crêpe que l’on mange aussi bien au petit-déjeuner qu’au dîner, ou encore des dhaltjies, dérivé du pakora indien, des beignets à base d’oignons, d’épinard, de curcuma, plongés dans une pâte de farine de pois chiche, puis frits.

Un melting-pot de culture

Si la cuisine Cape Malay puise ses origines en Asie, elle a aussi été imprégnée de différentes cultures. Le nombre de variétés de desserts, de tartes et biscuits montrent la grande influence de la Hollande, alors que le savoir-faire concernant les confits et confitures de fruits a été apporté par les Huguenots français. Il faut ajouter à cela l’appétence des afrikaners pour la viande, qu’elle soit issue de l’élevage (bœuf et agneau principalement), ou de la chasse (gazelle, sanglier, koudou…), cuite en ragoût ou au barbecue.

Les plats incontournables

Parmi les incontournables de cette cuisine, on trouve le bobotie, nom dérivé de l’indonésien bobotok, un hachis de viande épicée (du bœuf ou de l’agneau), gratiné au four avec une garniture à base d’œufs et de pain imbibé de lait. Il est généralement servi avec du riz jaune au curcuma et du chutney.
On mangera aussi le sosotie, brochettes d’agneau qui ont mariné avec des oignons, des piments, de l’ail, des feuilles de curry et du jus de tamarin, grillées ensuite sur un braai, un barbecue, une véritable institution en Afrique du Sud.
On dégustera également les bredies, épais ragoût d’agneau et de légumes. Le plus original est sans doute le waterblommetjie bredie, qui signifie en afrikans « ragoût de petite fleur d’eau », qui utilise des fleurs aquatiques qui poussent comme des nénuphars dans les marais et les étangs dans la Province du Cap.

Les condiments et sauces

Les condiments et les sauces tiennent une place très importante dans cette cuisine. Citons l’atchar, une sauce à base de fruits, d’ail, de gingembre et de piment, qui est principalement servie avec de la viande.
Citons encore le blatjang, un chutney composé de petits morceaux de fruits, abricots et raisins la plupart du temps, épicé évidemment, qui accompagne parfaitement le bobotie.
Plus relevé, le sambal, condiment typiquement indonésien et malaisien, est à base de piments. N’oublions pas le traditionnel slaphakskeentjies, une salade d’oignons pochés, servie avec une sauce aigre douce à base de vinaigre, de moutarde, de sucre.

Vous prendrez bien un petit dessert ?

Et pour finir, le dessert ! Un des plus appréciés est la tarte au lait (melktert), adaptation d’une recette hollandaise par les Malais du Cap qui y ont rajouté une pincée de cannelle. A moins que vous ne préfériez des koesisters, des beignets tressés et enrobés de sirop, ou le malva, gâteau confectionné avec de la confiture d’abricot et du vinaigre.
On trouve également beaucoup de biscuits de toutes saveurs : à la cannelle, cardamome, noix de coco, gingembre…