Zoulous : la fulgurante ascension du peuple du ciel

Par Sandrine Bavard

Les Zoulous représentent environ 20% de la population sud-africaine, soit le groupe ethnique le plus important. Leur histoire s’accélère en 1818 quand Shaka, surnommé le « Napoléon noir », conquiert de nouveaux territoires et fonde un royaume uni. Leurs traditions sont encore vivantes aujourd’hui, et s’expriment notamment à travers la musique, la danse, l’artisanat.

Qui sont les Zoulous ?

Pour mieux comprendre le peuple zoulou, un petit arbre généalogique s’impose. Au sommet, on retrouve les bantous, un ensemble de peuples qui se sont installés du Nigeria jusqu’à l’Afrique du Sud pendant 3000 à 4000 ans.


Ce sont des agriculteurs et des éleveurs, qui maîtrisent la technique du fer et parlent la langue bantoue.

En Afrique du Sud, on retrouve deux groupes linguistiques bantous : les Nguni et les Sotho-Tswana.
Vraisemblablement, les deux groupes se sont séparés au niveau de la chaîne de montagne du Drakensberg lors de leur migration.


Les Sotho choisirent une route intérieure pour s’installer à l’Ouest, et les Nguni suivirent la côte pour s’installer à l’Est.

Quand un groupe trouvait une région convenant à ses activités, il s’y établissait, fondait une nouvelle société, qui se différenciait de plus en plus des autres. C’est ainsi que les Nguni se divisèrent en plusieurs nations : celle des Swazi, des Zoulous, des Xhosa, des Ndebélé.

Shaka, le fondateur de la nation Zoulou

Les Zoulous, le « peuple du ciel », est alors une tribu mineure de quelques milliers d’âmes établie dans ce qu’on appelle aujourd’hui le KwaZulu-Natal.


Mais ils vont connaître un homme qui va changer à jamais leur destin, Shaka (ou Chaka), roi-fondateur de la nation en 1818, surnommé aussi le « Napoléon noir » pour sa soif de conquêtes.

Il met sur pied une armée redoutable : il enrôle les hommes par tranche d’âge dans des régiments, impose discipline et rigueur dans les rangs, pour servir une stratégie militaire très poussée.

L’armée (impi) se rassemble en demi-cercle : au centre, les soldats expérimentés ; sur les ailes, les jeunes guerriers qui doivent surprendre leur adversaires par leur mobilité et les encercler rapidement ; à l’arrière, les vieux briscards qui achèvent le travail si besoin.

Shaka conquiert ainsi de nombreux territoires, assimile les nouvelles populations, jusqu’à transformer une confédération de tribus en un royaume unifié et homogène, qui s’étend de la chaîne du Drakensberg à l’océan Indien. Tout cela en 10 ans ! Il est stoppé en chemin par ses demi-frères qui l’assassinent, puis s’entretuent pour le pouvoir.

Une résistance farouche aux colonisateurs

Au XIX esiècle, l’empire britannique et les colons Boers cherchent eux aussi à gagner du terrain. La nation Zoulou résiste au protectorat britannique établi en 1887 et inflige même une sérieuse défaite aux Britanniques, lors de la bataille d’Isandhlwana en 1879, sans arme à feu : uniquement avec des sagaies, des casse-têtes et des boucliers en peau de bœuf. L’image d’Epinal du guerrier zoulou est née !


Les Anglais, qui perdent 1300 soldats dans ce « Waterloo africain », vont envoyer des renforts dans la région et annexer le royaume zoulou rattaché à la colonie du Cap.


Lors de cette annexion, les Britanniques lèguent alors le pouvoir à treize sous-rois, chacun à la tête d’un royaume : diviser pour mieux régner, dit-on …


C’est la même politique que mènera le gouvernement sous l’apartheid, accentuant les différences et donc les divisions entre les noirs, notamment entre les Zoulous et les Xhosa.

Quand le parti de la liberté Inkhata à dominante Zoulou est fondé en 1975 par Mangosuthu Buthelezi, il est sur la même longueur d’ondes que l’African National Congress (ANC) à majorité Xhosa : défendre les intérêts des noirs face aux blancs.
Mais bientôt, les membres des deux partis s’affrontent dans une guerre civile qui secoue le Zulu, alors bantoustan autonome, où le gouvernement de l’apartheid agit en sous-main.

Avec les premières élections démocratiques du pays en 1994, est née une nouvelle province : celle du Kwazulu-Natal, qui conserve quelques spécificités comme son roi, Goodwil Zwelethini, qui a un rôle symbolique plus que politique.

Une musique qui s’exporte

Si la notoriété des Zoulous a dépassé les frontières de l’Afrique du Sud, ce n’est pas seulement grâce à son passé guerrier, mais aussi grâce à sa culture. Paradoxalement, c’est un « zoulou blanc » qui va faire connaître leur musique et leur danse à travers le monde : Johnny Clegg.


Avec le guitariste Sipho Mchunu, il fonde le groupe Juluka, qui livre une musique métisse, mêlant chants africains et guitare électrique, peu du goût des autorités locales qui censurent le groupe.

Mais le succès est au rendez-vous en Afrique du Sud. Dans les années 80, « Scatterlings Of Africa »,ou « Asimbonanga »en hommage à Nelson Mandela deviennent des tubes dans le monde entier, donnant une vitrine médiatique à la culture zouloue.


Dans les années 80 toujours, Paul Simon collabore sur son album Graceland avec Ladysmith Black Mambazo et fait la renommée de ce groupe qui chante a capella selon les traditions Mbube, chant fort et puissant, etIsicathamiya, mélange harmonieux des voix.

Et qui ne connaît pas « Le Lion est mort ce soir« , popularisé par Pete Seeger aux Etats-Unis, par Henri Salvador en France ?


Mais qui sait que cette chanson a été composée par le Zoulou Solomon Linda en 1939, longtemps oublié, même pour ses droits d’auteur ?

Shakaland, la reconstitution d’un village zoulou

Aujourd’hui, les touristes qui voudront s’immerger dans la culture zouloue se rendront à Shakaland, un village reconstitué en 1984 pour les besoins d’un téléfilm sud-africain. On y découvre l’organisation du village (imuzi), composé de huttes circulaires en forme de ruche (indlu), réunissant toute la famille qui peut être très grande puisque la société pratique la polygamie.

Les « habitants » se parent des costumes traditionnels comme lors des cérémonies. Les femmes portent en général une jupe plissée en cuir de vache, recouverte d’un tablier de perles, et un simple collier de perles sur leur buste nu (quand elles sont jeunes filles), qui recouvre leur poitrine (quand elles sont fiancées). Les hommes revêtent eux une tenue de guerrier, qui se compose d’un pagne, d’une ceinture en peau, d’un bandeau parfois orné de plumes, d’un bouclier en peau de bœuf, et d’une peau de léopard -symbole de pouvoir- pour les plus riches.

Vous pourrez assister à des danses où les hommes, accompagnés par les chants et les percussions, lèvent très haut la jambe et martèlent le sol de façon énergique. Vous pourrez aussi observer la fabrication traditionnelle de lances, de bière, de poterie, de paniers tressés de jonc et -ce qui fait la grande réputation de l’artisanat zoulou–d’objets en perles.